Avec son livre de nouvelles « Tanger rue de Londres », la Tangéroise Badia Hadj Nasser sera au Salon du livre de Paris 2015, Porte de Versailles. Une rencontre avec l’auteur est prévue le samedi 21 mars de 16h 30 à 18h 30 sur le stand 34, « Les Editeurs Marocains ».
Les brefs textes de la nouvelle «Tanger Rue de Londres» se signalent par une finesse jamais prise en défaut dans l’évocation des amitiés, de la solitude reconquise ou des épousailles allant plus ou moins de guingois.
Badia Hadj Nasser a le chic pour parler d’autrui et parler à autrui sans se perdre elle-même de vue. Elle regarde aussi la nature, hume, dépeint, savoure. Ou bien elle se remémore des comportements, des entraves, des libérations fugitives.
Si elle a voulu nous montrer d’abord un homme «découragé par la complexité de sa compagne», c’est comme pour mieux s’approcher de femmes partageant un mari polygame, ou pleurant la mort de la chanteuse Asmahan.
Au cinéma où elles se rendent avec l’argent de la viande prétendument dévorée par un chat chapardeur, ces femmes, «par le truchement d’Asmahan, ses trilles, ses graves, elles étirent l’avenir, elles se forgent des repères où la langue arabe se fait libératrice».
Le mari, lui, se présente devant le cadi : «Ma femme vend la pitance quotidienne pour aller au cinéma Vox».
Depuis fin janvier 2004, et Badia Hadj Nasser se fait un devoir de le rappeler, «les femmes marocaines ne sont plus victimes de la répudiation».
La conteuse dessine un beau portrait de Zohra, la tante aînée. Celle-ci demandait à la petite fille lectrice de la Comtesse de Ségur : «Les signes du français qui sont sur ton livre sont-ils les mêmes que ceux du journal ?».
Et la tante réclamait des nouvelles d’Arafat. Sa chère amie Sol Cohen vivait désormais en Israël. La tante Zohra s’en désolait. Quant à la petite fille, elle regrettait l’absence, désormais, de Mercedes Cohen avec qui elle avait tout partagé depuis la maternelle.
Zohra dit à sa nièce qui lui fait la lecture : «- Sans ton journal, j’aurais traversé le monde en ignorant le monde.» Quelle phrase magnifique !
Adulte, la narratrice vit des amours parisiennes dont elle tire des phrases qui ne sont pas moins belles: «Nous nous laissions aller à écouter le vent dans une quasi-extase comme si nous en faisions partie».
«Tanger rue de Londres», un petit livre doux et grave où se nichent des phrases comme celles-ci : «Les rochers verts de mousse sont glissants, l’odeur du large fouette les narines. Inlassablement, l’océan gronde. Mon père est de la race des poissons quand il fend l’eau, de la race des arbres quand il ouvre son chemin en forêt, de la race des langueurs quand il médite».
Badia Hadj Nasser est une psychanalyste-écrivain née à Tanger. Elle qui vit entre Paris et Tanger. Elle est l’auteur du roman « Le voile mis à nu », éditions Arcanteres, 1985.
Elle se consacre ensuite à la psychanalyse sur le plan clinique et sur le plan de la recherche. Elle participe notamment à des travaux sur « Les mille et une nuits » publiés dans « Corps écrit, l’Arabie heureuse », PUF, 1989. Elle produit aussi un texte intitulé « La fascination de la virginité et sa résonance dans le corps des femmes immigrées » dans « Espace-Temps et Traces de l’exil », Grenoble, La Pensée Sauvage, 1991. Elle écrit parallèlement de nombreuses nouvelles dont « Tanger Rue de Londres ».