A deux pas du Petit Socco, la jeune galerie Conil présente à partir du 1er juin quelques artistes marocains dont elle suit le travail. Un thème, ou plutôt un prétexte au plaisir : le bleu.
Pour sa deuxième exposition, la galerie Conil trace le sillon. Elle continue d’entraîner les artistes marocains dont elle prend soin, dans une confrontation jubilatoire. Avec cette fois-ci « L’infiniment bleu » en « fil rouge », l’exercice prend de l’ampleur. Il est renouvelé avec la charge d’émotion nécessaire à la magie des associations éphémères. Dans cet espace raffiné mais somme toute restreint, à deux pas de l’agitation montante et descendante du Petit Socco, les œuvres présentées – tableaux, objets, sculptures – se répondent avec un bonheur, serein comme l’azur…
Dès l’entrée, deux glacis bleu et blanc s’imposent. L’artiste Partan dont la précédente expo avait révélé de petits formats, – abstractions noires – gagne cette fois-ci le grand large d’un bleu superbe, glacis outremer sur lequel semble flotter une roche blanche, rongée par les eaux. On reconnaît vite cette île mystérieuse, c’est le cœur tangérois : la Kasbah et ses entrelacs vernaculaires. Comme un plan rêvé, plus réel que le véritable. Car cette vue d’avion résonne en nous comme vue de l’intérieur. Elle renvoie au niveau du sol. Projetés mentalement dans les circonvolutions quasi cérébrales de la kasbah, nous sommes en balade au cœur du dédale. Solitaire, silencieux et sans doute un jour d’été. Version tangéroise du Minotaure. Vers quels plaisirs, vers quels dangers cet Atlantide nous entraine-t-elle ?
Plus loin, ce tableau du jeune artiste Omar Mahfoudi, un visage douloureux aux couleurs si tendres. Un rose inoubliable, sœur jumelle d’un bleu-vert magnifique comme pris directement à la louche dans les eaux claires de la mer à Tanger. Ce portrait lumineux et triste cohabite avec deux anciennes pièces persanes : une faïence au dessin délicat, une verrerie transparente d’un bleu puissant. La beauté classique de la Perse semble apporter un peu d‘apaisement au personnage tangérois du tableau. C’est très beau : les voilà comme indissociables, au-delà du temps.
Infiniment bleu, c’est aussi la rencontre de savoureuses explosions vitales. Celle d’Ali Maimoun – dont les totems d’animaux agités ont fait date dernièrement, à la galerie Delacroix-, celle de Mohamed Baki dont les sculptures en étoiles ont la présence de météorites enchantées et celle de Saïd Ouarzaz, dont les peintures quasi abstraites grouillent de personnages et d’histoires marocaines qui restent à élucider.
Tout comme cette histoire d’infini…
Philippe Chaslot
« Infiniment Bleu », à partir du 1er juin, de 11h-13h30 / 16h-19h30
Galerie Conil, 7 rue du Palmier, au petit Socco. Tel. 00 212 (0)655 641 014