Omar Mahfoudi expose à Paris du 24 mai au 17 juillet : « Le printemps brûlé » à la Galerie Kandisha
Rencontre de l’artiste à Tanger par Aich Bengio
Boire une thé avec Omar, un soir, dans son appartement-atelier, capharnaüm hétéroclite plein d’humour… le voir déployer au sol ses peintures, papiers, toiles des plus petits aux plus grands formats, de la noirceur à la couleur explosive… c’est se faufiler à grande vitesse dans son univers, un parcours labyrinthique où surgissent les tortures du temps, parfois bordées de fleurs, des corps déglingués, des visages de clowns écorchés. Cet extraordinaire mille feuilles jeté à terre est la parade d’un artiste authentique, la démonstration d’une quête d’absolu. Cette exploration personnelle anime singulièrement son oeuvre qu’il commente avec des mots rythmés, rapides et un sourire d’adolescent. « L’art est mon auto-thérapie, celle par laquelle je cherche interminablement l’inconnu de ma nature ». Omar ne force pas l’admiration, il la stimule, il l’invente.
Il ouvre des champs magnétiques. C’est un voyant.
La résistance du vivant
Ses « Portraits psychiques » extériorisent l’instant d’une impression intérieure en même temps qu’il lui donne activement forme. Ce qui crée une sorte d’apparition dans un mélange d’expressionnisme poussé parfois jusqu’à l’abstraction et l’emploi de temps en temps de la technique du dripping. Art de la métamorphose poussé jusqu’à la désintégration. Empreinte d’un état où s’éclaboussent le visible et l’invisible. Omar explore les chairs à vif et le battement de la vie. On peut penser à Francis Bacon.
Il va vers un monde de morts vivants, puis remonte dans des espaces inconnus. Il plonge dans la matière. Par dessus l’esquisse s’enroulent des traits houleux tout en laissant des plages blanches. La matière l’ensorcelle. Hanté par sa recherche de l’identité, il l’efface pour tenter de la retrouver. Ses visages macabres sont en dissolution mais réclament la renaissance. « Ils me posent des questions sur mon identité. J’explore à la fois les mythes du monde et mon monde à moi. »
Et ses créatures déformées résistent au temps de leur décomposition.
Elle parlent des frustrations entre deux extrémités la mort et la pornographie. Elles réinventent une mythologie où passent des animaux : le chien mordeur, récurrent dans l’oeuvre d’Omar mais aussi d’autres bêtes fantasmagoriques, vertiges de contes cruels. Les femmes sont impudiques, lacérées du désir des hommes.
Pour le dessin de leurs corps, il est d’abord sous l’influence de Lucien Freud qui le séduit beaucoup mais s’en affranchit pour les noyer dans les tourments d’une encre noire ou un courant de gris.
Le trait et la couleur sont en eux mêmes une vitesse et une matière capables de leur donner une existence qui dépasse le sujet et sans doute le peintre. Les visages sont souvent doubles, jeux de face et profil. L’animal les traverse souvent, aux mâchoires de sang.
Picasso un de ses maîtres, écrivait : « Je n’en peux plus de ce miracle qui est de ne rien savoir de ce monde et de n’avoir rien appris qu’aimer les choses et les manger vivantes.»
A Paris du 24 mai au 17 juillet, Omar Mahfoudi exposera des petits et moyens formats qu’il accrochera aux murs de la galerie Kandisha, dans son ordre, en les articulant les uns aux autres, expressions d’une urgence vitale à dire, de la rage de peindre des signes poétiques, politiques, des regards incandescents. Il y passera, en vibrations infinies, une onde à la fois marocaine et universelle et la poursuite des lumières. L’exposition s’appelle « Le Printemps Brûlé »
Aich Bengio
Galerie Kandisha : 30 rue des Fosés-Saint Bernard – Paris 6ème – www.galerie-kandisha.com
Biographie d’Omar Mahfoudi
Né à Tanger en 1981, Omar Mahfoudi après un bac d’arts plastique se livre entièrement à la peinture. C’est un travail très personnel qu’il poursuit avec sa propre expression sans concessions et sans relâche.
Il vit et travaille à Tanger. Il a vu ses peintures sélectionnées dans de nombreuses expositions à Tanger, Casablanca, Rabat et Marrakech (Fondation Lerchundi, Institut Cervantes, Villa des Arts, Galerie Dar d’art…).
Récemment, il a aussi été invité aux USA (Los Angeles résidence de 4 mois ), en Espagne (Conexionarte à Seville et à Madrid).
Il a participé aux ateliers « Docmaroc » à la Cinémathèque de Tanger, et a commencé à filmer en 2007. Depuis, il a réalisé sept films avec sa caméra 16mm.
« La Cage » a été projeté lors du Festival Cinéma Jeunes Talents de la Cinémathèque de Tanger.
Il est décrit ainsi dans le dictionnaire des Artistes Contemporains du Maroc : « … Livrant avec une rare honnêteté sa vision des multiples paradoxes de la société contemporaine, il appartient à cette génération d’artistes qui se réapproprie une liberté d’expression et de mouvement, laissant de côté les chemins prudents de l’autocensure »
Pierre Hamelin Omar Mahfoudi : Souffle d’art et de colère. La Villa des Arts, Casablanca.