Les romans de Mahi Binebine, également plasticien reconnu à travers tout le Royaume, constituent toujours un événement à part entière. Ce conteur qui puise sa force narrative dans les récits publics de la place Jemaa El Fna, sait encore une fois émouvoir et interpeller ses lecteurs avec cette abracadabrante histoire de bébé momifié loué à des mendiantes sur la place de Marrakech.
Le seigneur vous le rendra: le ton est vif, le style vigoureux et presque amusant. Et pourtant, le drame est là, il sourd comme une rivière jaillissante. C’est une enfance saccagée dont parle Binebine, avec ce jeune héros ficelé pour ne pas grandir. Un être qui rappelle étrangement les sculptures enrubannées de Binebine l’artiste, elles aussi cernées de toutes parts, empêchées, comme emprisonnées.
La librairie les insolites aime Mahi Binebine depuis toujours. Nous avons été touchés de plein fouet par Le sommeil de l’esclave, plus tard par Cannibales, puis par Les étoiles de Sidi Moumen.
Nous aimons l’artiste, l’écrivain et nous aimons l’homme. Nous aimons son sourire, sa joie de vivre lucide et communicative, nous aimons son écriture qui ne tombe jamais dans le larmoyant, nous aimons son sens de la fable, ce côté en lui qui fait surgir l’homme, le vivant, avant le littérateur. Pas de prose terne pour cet auteur, pas de simplisme, mais un lyrisme tendre qui laisse la place à l’humour.
Stéphanie Gaou
les insolites
« Le seigneur vous le rendra »
Présentation – 4ème de couverture
«Un bébé est empêché de grandir, un enfant est privé d’éducation, de liberté, il ne pourra devenir un individu capable de réfléchir et de se développer, d’agir en être libre. Surnommé ‘P’tit pain ‘, il va traverser des années noires où, dans sa position passive de mendiant, il peut observer les agissements des adultes, leur violence, leur corruption. Tout est dit ici dans la litote, mettant en relief les beautés d’âmes apparemment détruites, les corps saccagés, les visages noyés dans l’alcool et la maladie.
L’enfant grandit néanmoins grâce au miracle de la vie, toujours imprévisible, et se défait de ses liens que l’on pourrait nommer ignorance, peur, sujétion. Libéré, il devient autonome et conscient. Pourra-t-il revoir un jour sa mère qui a pratiqué envers lui le non-amour jusqu’à l’abjection ? Dans ce roman noir s’il en est, mais imprégné d’une folle espérance, d’une foi exacerbée dans les capacités de rémission de l’homme, Mahi Binebine utilise le ton du conte picaresque et philosophique pour réduire la part tragique, toujours présente, dans ces pages déchargées de la noirceur absolue par la permanence de l’humour, du sourire derrière les larmes retenues.
> Mahi Binebine est peintre, sculpteur et romancier. Il vit à Marrakech.