A L’Institut Cervantes du 7 Avril au 13 Mai,
Carla, dés sa plus tendre enfance, dessine sans cesse.
Née à Pampelune, d’un père scientifique et d’une mère médecin, entourée de 10 frères et soeurs, elle a toujours souhaité être peintre.
Différente des autres à l’école déjà, peu sûre d’elle parfois, elle oscille pendant son adolescence entre foi et renoncement, peurs et certitudes, confiance et doute .
La chance arrive à 15 ans quand sa famille part s’installer à Madrid. Elle peut avoir accès aux Ecoles d’Art. Ainsi, à la fin de ses études secondaires, elle passe brillamment l’examen d’entrée à l’Académie des Beaux Arts (200 reçus sur 2000 !)
Experte en dessin, elle n’a en revanche jamais peint. Et, si elle avait une idée très romantique des études d’art, elle déchante vite. Elle est très déçue par ses premières années de Fac qui délaissent le véritable apprentissage de la peinture au profit d’un art plus conceptuel qui, sans les bases classiques, lui parait vide de sens et souvent provocation inutile.
Elle est également choquée d’entendre un de ses professeurs clamer « La peinture est morte ! »
Aussi, arrête t-elle de peindre pendant deux ans, mal à l’aise avec cet exercice qu’elle ne maîtrise pas. En cinquième année, l’un de ses maître à qui elle présentait un travail très imparfait en peinture par rapport à l’excellence de ses dessins, décèle son talent et lui dit : « Carla, tu es née pour peindre et je le vois. Continue, acharne toi »
Elle peint chez elle à tour de bras et s’inscrit pour une 6ème année dans un cours consacré au matériel. « je découvre alors que la matière me parlait » dit-elle.
Fascinée par la chimie de la peinture, par l’utilisation des techniques et par le professeur de ce cycle qui lui enseigne enfin les bases qu’elle recherchait obstinément, la soutient et lui fait confiance.
« Ton chemin est très personnel Carla ! Tu dois le suivre, ne pas écouter les autres ! »
Bel échange avec cet homme, artiste classique très connu en Espagne qui lui permet de s’affirmer et exprimer sa passion. « Le dessin, dit-elle, c’est plus mathématique. C’est une question d’intelligence… il y a les codes, les ligne, les volumes, la perspective… c’est la tête !
La peinture c’est les tripes, ça réveille des sensations au plus profond de moi, des rythmes, des couleurs, des émotions fugaces très fortes »
Les peintres qu’elle aime :
– Velasquez et Goya, les grands pères …
– Les Expressionistes allemands, COBRA, Egon Schiele
– Les Avant- gardistes Tapies, Millares
Carla tangue entre figuration et abstraction.
Elle va du ciel à la terre. Elle saute par dessus les toits…
C’est une relation intime qu’elle s’approprie entre les espaces intérieurs et extérieurs pour les cracher ensuite à sa façon sur des matériaux bruts et souvent en trois dimensions.
Elle construit son oeuvre, établissant un dialogue entre l’inspiration et le manuel, grattages, cassures, aplats de peintures vives, brutes, happée parfois par un bref instant d’une couleur qui passe qu’elle va mémoriser…
Dans son parcours,elle ouvre des chemins, propose une voie, une errance et un éclat soudain.
ELLE NOUS ENTRAINE DANS CE LANGAGE ABSTRAIT QUI CONSTRUIT DES CHOSES CONCRETES.
Elle est dans les turbulences du temps qui passe, elle est dans la valse des couleurs.
Au cours de son périple « Tanger, Paris, Pékin, Tanger » qu’elle présente aujourd’hui à l’Institut Cervantes, elle choisit des styles différents et même si on retrouve toujours sa fascination des toits, (Paris, Pékin) elle redescend vers la rue à Tanger, explore des passages, exprime des vertiges.
PEKIN : LE ROUGE FLAMBE
Une anecdote :
Un de ses amis parti travailler en Chine lui envoie, un jour une photo d’un toit à Pékin. Choc visuel si intense qu’elle achète immédiatement un billet d’avion et part le rejoindre pour trois semaines.
Là bas, elle visite inlassablement les architectures chinoises lorsqu’un jour, visitant un temple, elle se trouve soudain face à face avec cette image envoyée qui l’avait tant fascinée…
« Je suis partie d’un rire irrépressible, folle de joie au milieu de ces gens qui priaient et se recueillaient… »
PARIS ET SES LUMIERES BLEUES
Un an et quatre mois à Paris. Là c’est le travail dans le Squat de La Petite Roquette, un monde bien particulier, une belle expérience communautaire.
Carla adore cette ville française, riche de son passé historique et de tant de générations qui murmurent encore…
« Paris c’est une musique qu’on entend, qu’on suit sans jamais voir qui joue »
Elle y reviendra toujours, c’est sûr…
TANGER LA MULTICOLORE
Elle quitte Madrid pour la Cité du Détroit où elle est installée depuis quelques mois. La ville de ses racines familiales. « C’est mon point de retour, c’est une ville baignée d’une lumière vraiment particulière, une ville ouverte où l’on ne se sent pas jugée, où l’on accepte l’incompréhension.
Une ville qui claque, bousculée par le chergui, ce qui n’est pas pour me déplaire »
Un monde fou au vernissage du 7 Avril est venu honorer l’artiste dont la famille est bien connue à Tanger et dont la renommée, malgré son jeune âge, 30 ans, dépasse largement la Cité du Détroit.
Carla est une voyageuse. Elle est belle, impétueuse et directe. Elle poursuit son oeuvre dans la lumière des villes comme on traque l’envol d’un oiseau.
A travers les lieux parcourus, Carla offre ses visions vibrantes, fougueuses, hautes en couleurs, architectures du chaos inextricable des rues, de la pente des toits, avec en vertiges brefs les glissades de la lumière, les brèches du vent,le claquement des toiles…Fêlures du temps, impulsion de son regard.
Elle expose également, dans un style plus classique, quelques tableaux représentant des Rifaines et, dans une salle adjacente, des dessins au fusain, série de portraits en noir et blanc de visages croisés.
Garcia Lorca écrivait :
» les labyrinthes qu’invente le temps s’annulent » (« Los laberintos que crea el tiempo, se desvanecen »)
Reste le regard de Carla, une onde. Un regard d’infante, de flamenco andalou et d’artiste contemporaine.
Et, je pense encore à Lorca devant les tableaux de Carla :
« Par les ruelles vont de curieuses licornes … » (por la calleja vienen extranos unicornios ).
Mais, s’il fallait parler de Carla en une seule phrase, j’écrirais que Carla, elle même, est une oeuvre d’art.
Aïch Bengio
Site internet de Carla: http://carlaquerejetaroca.com
Superbes oeuvres ! Merci !
Superbes oeuvres ! Merci !