« D’un grain de lumière » est le nouvel ouvrage de Philippe Guiguet Bologne publié chez Slaïki cette année. Il fait l’éloge poétique des images du photographe tangérois Hicham Gardaf.
D’un grain de lumière est une flânerie étonnée et émue, pleine de temps et d’attente, de torpeur et de vertiges, tressant et défaisant une géographie urbaine aussi bien qu’imaginaire, dans l’univers du jeune photographe de Tanger, qui a su si subtilement saisir l’âme de sa ville : Hicham Gardaf. Résolument eschérien dans la construction de ce poème, Philippe Guiguet Bologne, qui pourtant revendique s’être astreint à aller innocemment de tirage en tirage, juxtapose les différents plans qui constituent ce monde, mélangeant sans retenue aussi bien les sujets des images que les récits qu’elles suggèrent, une réflexion sur l’acte photographique comme une approche ontologique de l’image, une vision de la ville du détroit et celle du désordre des destinées humaines, les saisons et les lieux, les personnages et leurs fantômes. D’un grain de lumière serait tout ce qui restera de la collision d’un travail photographique et d’un arpentage poétique où, vraisemblablement, Tanger restera le motif central des pérégrinations de ces deux grands promeneurs.
Mais « D’un grain de lumière » n’est pas un livre de photographie, et moins encore un livre sur le photographe : il s’agit, avec étrangeté, d’un texte parallèle, né de la vision que Hicham Gardaf avait descellé et représenté de son Tanger, vécu aussi profondément que le permet une enfance, et de ce qu’il a voulu en partager avec son premier public. Écrit dès 2014 et durant trois années, à partir d’un corpus d’images qui constituait l’imaginaire « de jeunesse » du photographe, le poème évoque aussi, très probablement, un monde qui déjà n’est plus, ou du moins est voué à s’éteindre comme à s’effacer. « D’un grain de lumière » est donc une œuvre testamentaire bien avant d’être née. Crépusculaire, assurément, mais encore pleine de l’énergie candide et fragile des premiers pas dans l’art du jeune photographe.
Hicham Gardaf est maintenant un photographe important et incontournable de la scène tangéroise, d’une exigence inégalée. Aujourd’hui, son œuvre raconte son univers et ses préoccupations différemment de la façon de ses débuts, la maturité l’amenant à utiliser un vocabulaire plus dans la ligne de ce que veulent son temps et les problématiques liées aux mondialisations.
Son exposition individuelle, récemment présentée à la Galerie Delacroix, La pelouse est mon dernier refuge, créée à l’occasion du 22ème Salon du livre et des arts de Tanger, en témoigne. Il expose encore, ces jours et jusqu’en août 2018, au Musée d’art africain Al Maaden de Marrakech et, dans la même ville, il est défendu et représenté depuis ses débuts par la Galerie 127. Hicham Gardaf vit aujourd’hui à Londres.
Philippe Guiguet Bologne vit à Tanger. Il signe ici son douzième ouvrage.
Publié par les éditions des frères Slaïki, ainsi que par l’Al Manar d’Alain Gorius, Scribest et Frogeraie éditions, il poursuit son travail de décryptage des mouvements telluriques du détroit et de l’âme des hommes qui vivent sur cet entre-deux rivages du monde.
Extrait
Brillance de verroterie des fleurs de salpêtre
Par sombres bouquets miroitant dans le midi
Bosquets de mousses bleues et frémissantes
Dans un silence de ruines
La maison du Marshan prend le vent
La brume du soir y dépose ses baisers de cristaux
Au loin berce la mer
Trouver du repos en ces murs de vieillesse
Tachés des arabesques de lichens lunaires
Les étoffes anciennes trahissent des secrets
Larges fleurs poussées dans le tissage d’une percale
Un édredon souffle la vie qui s’y est assoupie
Les longues siestes d’été et l’inquiétude des amours
Plaisir du coton effleurant les nus de la nuit
Peaux aux couleurs du soleil vainqueur
Chaudes des sables embrassés
Le temps s’écoule par les fenêtres large ouvertes
Se procurer le livre
D’un grain de lumière est disponible à Tanger dans toutes les librairies et dans de nombreux points de vente (galeries, maisons d’hôtes, boutiques…)
Pour le reste du Maroc, la France et l’étranger, la Librairie les Insolites peut diffuser le livre en le commandant au 00212 (0) 5 39 37 13 67 et lesinsolites.tanger@gmail.com
D’un grain de lumière – Slaïki, Tanger, 2018 – 92 pages, 6 euros, 60 dirhams