Mélenchon, le gamin de Tanger qui voulait "faire Jaurès"

On connaît ses coups de gueules, moins bien son parcours. « Mélenchon Le Plébéien » retrace l’itinéraire politique de l’actuel candidat du Front de Gauche. Un livre fouillé et riche en témoignages (dont celui du principal intéressé). Cette première biographie de l’ancien socialiste laisse retomber « le bruit et la fureur » pour mieux comprendre ce tribun révélé par la présidentielle.

Et si Jean Luc devait sa carrière à Martine? Pas Aubry, non. Une autre. En 1965, le tout jeune Mélenchon quitte son Tanger natal à l’âge de 11 ans. Il vit ensuite en Normandie. A 14 ou 15 ans il rencontre « une petite jeune fille de son âge ». C’est Martine. Il lui offre Les Fleurs du Mal – « je voulais lui faire lire L’Albatros: ça correspondait bien à ma mégalomanie personnelle ». Elle, Martine, lui donne une Histoire de la Révolution française d’Adolphe Thiers. « C’est un événement d’origine amoureuse qui a une importance extrêmement structurante pour le restant de mes jours », explique celui qui prône aujourd’hui la révolution citoyenne et dont les références sont autant puisées dans la Révolution française que dans l’histoire du marxisme ou du socialisme.

Ainsi se livre Jean-Luc Mélenchon dans la biographie que lui ont consacrée Lilian Alemagna (journaliste à Libération) et Stéphane Alliès (journaliste à Mediapart). Retraçant son itinéraire politique, les deux auteurs offrent à moins de 100 jours de la présidentielle la première biographie de cet ancien sénateur PS devenu l’une des surprises de la campagne présidentielle. Du « bruit et la fureur », au « capitaine de pédalo », ce tribun s’est fait une place à force de saillies fracassantes. Ces coups de gueule sont connus, son parcours moins.

Journaliste, trotskyste, sénateur socialiste, admirateur de Mitterrand, leader de l’aile gauche du parti à la rose, ministre sous Jospin puis allié du PCF, Mélenchon Le Plébéien revient sur les grandes étapes de la vie politique de l’actuel député européen avec moult témoignages. Dont ceux du principal intéressé.

Mélenchon à Marseille le 14 avril, d'un port à l'autre...

« Vos trucs pourris de journaliste, je les ai faits moi-même! »

Ancien enfant de chœur passé par une école catholique, ce laïc intransigeant est plus complexe que son image publique ne peut le laisser penser. Tantôt fanfaron, tantôt angoissé, ce fils de divorcé n’a qu’une vie mais plusieurs identités. Il y a « Santerre », pour sa période trotskyste (1972-1976) tendance lambertiste (comme Jospin en son temps). Il y a « Moz » le dessinateur et « Jean-Louis Mula », le journaliste qui n’a pas percé. « Vos trucs pourris de journaliste, je les ai faits moi-même! », lance cet ancien des Dépêches du Jura . Et de confier à propos d’un politique local: « Je le cuisinais jusqu’à ce qu’il dise une saloperie sur son ennemi. Et tac, on faisait le titre avec! Le lendemain, on prenait le téléphone pour appeler l’autre. On était vicieux ».

Confidences pour confidences, Jean-Luc Mélenchon accepte pour la première fois de parler de son appartenance à la Franc-maçonnerie. Il se justifie : « Je comprends non pas la vision trotskyenne de la franc-maçonnerie, c’est-à-dire une machine à corrompre la classe ouvrière, mais je vois l’inverse : le lieu où se conserve le fil d’or. Où traverse notre histoire », explique-t-il dans cette biographie.

« Je fais Jaurès »

Main de fer avec laquelle il dirige son parti (le PG), amitié avec Serge Dassault, et attirance pour la Chine, le livre ne fait pas l’impasse sur les sujets qui pourraient fâcher. A propos de l’Empire du Milieu notamment, les deux auteurs relatent une étonnante épopée. Décembre 2001 : ministre, Mélenchon s’envole pour la Chine, y visite une usine Citroën et discute formation. Puis décide de prolonger un peu le séjour en passant les fêtes de Noël dans un village vacances au sud-est de la Chine. Traducteur et chauffeur sont mis à sa disposition. « On a passé Noël dans une résidence réservée aux apparatchiks chinois », raconte un des participants. Un voyage dont les traces ont été effacées par la suite.

Aujourd’hui lancé dans la campagne, Mélenchon se veut le continuateur du socialisme historique face à une social-démocratie que représente, à ses yeux, François Hollande. « Je fais Jaurès », explique-t-il aux auteurs. Un « Jaurès » parti du PS pour mieux peser sur la gauche. « Vous influencez mieux la conduite d’un véhicule si vous êtes dedans qui si vous agitez des panneaux sur la route. Si tout cela devait déboucher sur un processus de réélection de Sarkozy, à quoi la radicalité aurait-elle servie? », questionne Jospin dans le livre. La réponse arrivera bientôt.

Mélenchon Le Plébéien de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès. Robert Laffont, 370 p., 20 euros

Arthur Nazaret – leJDD.fr

BIO DE JEAN-LUC MELENCHON

Fonction actuelle : député européen

Son parcours en quelques dates

19 août 1951 : Jean-Luc Mélenchon voit le jour à Tanger, au Maroc.

1969 : leader du mouvement lycéen lors de Mai-68 dans sa ville de Lons-le-Saunier, il rejoint l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) dès son entrée en faculté.

1970 : après la scission de l’UNEF, Jean-Luc Mélenchon participe au combat pour reconstruire l’UNEF locale.

1974 : il devient président de l’Union locale étudiante puis intègre le bureau national de l’UNEF-Unité syndicale.

1976 : il quitte Besançon et entre dans la vie active à Lons-le-Saunier et adhère au Parti socialiste. Il y occupe très vite des responsabilités départementales et développe un journal fédéral qui combat pour l’union PC-PS.

1981 : il devient l’un des principaux dirigeants mitterrandistes de la fédération de l’Essonne, ce qui le conduit au poste de premier secrétaire de cette fédération au congrès de Valence.

1983 : il est appelé comme conseiller municipal de Massy.

1986 : Jean-Luc Mélenchon est élu sénateur de l’Essonne.

1989 : il devient adjoint au maire de Massy.

2000 : il accepte de participer au gouvernement de Lionel Jospin comme ministre délégué à l’Enseignement professionnel.

2002 : il cofonde le courant socialiste Nouveau monde avec Henri Emmanuelli.

2004 : il fonde l’association Pour la République sociale, en dehors et indépendamment du PS. Il est par ailleurs réélu sénateur de l’Essonne.

2005 : il est l’un des dirigeants socialistes à combattre ouvertement pour le « non » au traité constitutionnel européen.

2008 : il quitte, en novembre, le Parti socialiste et fonde le Parti de gauche.

2009 : candidat du Front de gauche – alliance entre les Parti communiste français, Parti de gauche, Mouvement républicain et citoyen… – dans la région Sud-Ouest aux élections européennes, il est élu député le 7 juin.

4 Responses to "Mélenchon, le gamin de Tanger qui voulait "faire Jaurès""

  1. Ivan Monème  16 avril 2012 at 11 h 14 min

    Je trouve que Tanger et Mélenchon vont bien ensemble. Dans la perception que j’ai, de l’homme et de la ville, il y a des correspondances et notamment une forme de générosité jusqu’à l’outrance.

    Répondre
  2. Ivan Monème  16 avril 2012 at 11 h 14 min

    Je trouve que Tanger et Mélenchon vont bien ensemble. Dans la perception que j’ai, de l’homme et de la ville, il y a des correspondances et notamment une forme de générosité jusqu’à l’outrance.

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