Samira El Ayachi a présenté son livre dernièrement: Quarante jours après ma mort à la librairie les insolites de Tanger.
Il est d’usage de dire qu’un mort met quarante jours pour quitter définitivement le monde des vivants et entrer dans le royaume de l’au-delà. C’est à partir de ce postulat spirituel que Samira El Ayachi, talentueuse femme de lettres, a réalisé une double prouesse : écrire une narration au masculin en adoptant une voix « post-mortem ». Son narrateur, donc, est bel et bien mort, mais il a la capacité d’entendre ce qui se dit autour de lui. Il sait d’ores et déjà qu’il va devoir subir dans la maison de famille à Fès, entouré des siens, quarante jours de coups bas, révélations douteuses sur sa vie, mesquineries et autres confessions. Malgré son titre, voilà un roman riche de vie, de rebondissements, souvent drôle dans sa brusquerie, essentiellement poétique grâce à une écriture parfaitement maîtrisée. Et c’est toute une saga familiale marocaine qui se met en scène avec ses fonctionnements secrets et ancestraux, et que l’auteur Samira El Ayachi bouscule avec finesse.
Extrait
« Je suis mort. A présent que je suis mort, je peux les laisser me dire. Je n’avais invité personne. Pourtant, ils sont tous venus en nombre se presser autour de ma dépouille. J’espère être resté beau, et que les filles me pleurent longtemps. Je sais que, parmi mes hôtes, certains ont fait le déplacement de très loin pour l’occasion. Il est vrai que j’ai cédé à l’appel de la mort dans des circonstances pour le moins étonnantes. Je comprends leur hébétude. Leur trépignement. Leur folle envie d’accourir. De pencher leur tronc sur mon cadavre. De s’agripper à ce qu’il leur reste de tangible. Une carcasse. Un assemblage d’os et de chair froide. Un bloc de sang en stagnation dans des veines dures. Ils viennent vérifier de leurs yeux ce qui se raconte. Ils pourront attester à leur tour qu’il n’y a là aucun doute. Ni rêve ni cauchemar. J’ai bel et bien pris sur leur vie une longueur d’avance. Celle de la mort. »