Le Sultan Moulay Hassan défie l’occident.

Un nouvel ouvrage de Farid Bahri intitulée « Le Sultan Moulay Hassan. Une politique au défi de l’occident » aux éditions Afrique Orient.  L’ouvrage a été présenté au salon du livre de Rabat. En vente dans les librairies de Tanger en juillet.

tanger-experience - le web magazine de Tanger - Moulay Hassan 1er par Farid Bahri

Le Sultan Moulay Hassan ben Mohammed (1836 – 1894) va régner sur l’Empire chérifien 21 ans durant. C’est à l’été 1873 alors qu’il est dans une harka militaire dans les environs de Marrakech qu’un messager lui annonce le décès de son père le Sultan Moulay Mohammed ben Abdallah.
tanger-experience - le web magazine de Tanger - Le Sultan Moulay Hassan de Farid BahriLe destin le somme subitement de prendre ses responsabilités de chérif en chef, de amir al-mouminine, et de Sultan de l’Empire du Maroc. Et quel destin ! Celle d’une contrée dont il faut préserver coûte que coûte l’intégrité et la souveraineté face aux prédations sournoises de la France, de l’Angleterre, et de l’Espagne.
Le jeune Sultan de 37 ans a fort à faire. Non seulement l’héritage de son grand-père et de son père, entaché par la défaite d’Isly face aux Français, puis celle de Tétouan face aux Espagnols, est un fardeau encombrant. Mais les tribus de bled al-siba sont toujours prêtes à faire le coup de feu pour soutirer l’un ou l’autre avantage foncier ou fiscal.
Et si ce n’était que cela.
Après seulement sept ans de règne, Moulay Hassan va voir tomber la Tunisie dans l’escarcelle coloniale des Français. Mais c’est un protectorat, contrairement à l’Algérie conquise avec brutalité. Peu importe les mots, ce n’est qu’un euphémisme pour parler de colonie soft. Alors en cette année 1880, la solitude du Sultan n’a jamais été aussi profonde, lui, porté sur la mélancolie. Son empire est la seule portion encore libre du Maghreb voire du Machrek. N’est-il pas le seul souverain de descendance arabe à régner dans dar al-islam ? Le reste de la umma est sous la chaussure turque ou la botte chrétienne. Alors sa tâche de dynaste est plus que jamais ardue. Le Sultan devient un super-Sultan. De mehalla en mehalla, il arpente le Royaume; des montagnes du Rif et de l’Atlas au Sahara, des plaines atlantiques aux villes de la Méditerranée, il visite, il écoute, il prie, il guerroie, il pacifie… Moulay Hassan est présent et omniprésent. Il talonne par ses « mehallas » son prestigieux prédécesseur, Moulay Ismaël. Mais en ce XIXe siècle où la société occidentale accélère toujours un peu plus, la « umma », elle, décélère. Alors le Sultan doit mettre les bouchées doubles pour combler l’abyssal retard.
Il règne pour travailler, et il travaille pour régner. Sans relâche, il ne lâche rien. Economie, finance, armée, religion, culture, Moulay Hassan passe personnellement la moindre affaire du Royaume au peigne fin. Chaque vizir, chaque caïd, chaque amin, chaque mohtassib du Royaume lui rend compte… C’est à ce prix, celui de l’effort de fer d’un Sultan exceptionnel, que le Maroc reste à flot sans sombrer dans le maelström de la colonisation.

Pour toutes ces raisons, Moulay Hassan ben Mohammed est le dernier des grands Sultans de l’Empire chérifien. Sa grandeur royale dans l’histoire du Maroc est assurément aux côtés de Moulay Ismaël ben Chérif.

FARID BAHRI – Le Sultan Moulay Hassan. Une politique au défi de l’Occident
Editions Afrique Orient – Casablanca 2023

Ouvrage en vente aux Colonnes et aux Insolites de Tanger

 

Extrait de : « Le Sultan Moulay Hassan. Une politique au défi de l’Occident ». Ça se passe à Tanger…

La visite du Sultan est donc hautement sensible dans un Tanger  devenue l’antichambre de l’Occident. L’arrivée du Sultan est d’autant plus mise en exergue que depuis Moulay Mohammed ben Abdallah, aucun souverain n’y a remis les pieds. Ce qui fait également de Tanger, une visite historique. C’est une visite porteuse d’un communiqué. Le Sultan n’a-t-il pas déplacé sa mehalla afin de clamer haut et fort l’intégrité du Royaume chérifien. Fouler les venelles de la médina et de la kasbah tangéroise ne sont-elles pas un message subliminal à l’endroit des diplomates étrangers se voyant en terrain conquis ? Dans le Nord, c’est bien un jihad soft que pratique Moulay Hassan. Rappeler les étrangers qu’ils sont dans un pays islamique. Et le programme sultanien en témoigne. « Ce fut en grande pompe, suivi de toute son armée, que le souverain, entouré de son makhzen, pénétra dans la ville. A cette occasion il crut bon de tâter la susceptibilité du corps diplomatique en autorisant dans le cortège chérifien la présence d’un bouffon entièrement nu et qui sur un cheval se livrait à des gestes obscènes 183 » raconte l’archéologue et diplomate Henri de la Martinière de la légation française à Tanger

(…)  Moulay Hassan s’installe dans la kasbah, la ville haute, une citadelle séparée du restant de la ville par des remparts et des portes que l’on ferme la nuit. C’est également le centre du pouvoir local où se trouvent toutes les institutions du Makhzen chérifien. Les légations, elles, sont situées dans le dédale de la médina, en contrebas. Le Sultan prend ses quartiers dans le palais du Pacha « (…) aux fines dentelles creusées dans le plâtre des murailles, aux mosaïques et aux plafonds en boiserie sculptées, peintes et dorées (…) quelques réparations y ont été faites à différentes époques (…) sans la préoccupation de reconstituer les ornements primitifs (…) 185 ». Encore un indice qui ne trompe pas sur la rareté des visites de Sultans dans la ville du Nord. Bis repetita. Pour asseoir sa souveraineté aux yeux de toute la diplomatie occidentale présente à Tanger, le Makhzen improvise un mechouar sur la grande place de la kasbah pour accueillir les plénipotentiaires étrangers accourus le saluer et lui offrir des présents. Echanges de bons procédés. Il eut également une parade navale. Cela s’entend. La baie de Tanger, en cette fin du XIXe siècle, est la première rade du Maroc. Ensuite et à l’instar des autres cités du Royaume, Moulay Hassan donne des audiences aux habitants. Il écoute les doléances. Il visite les marabouts de la ville. Il inspecte longuement les murailles de la kasbah et de la médina, donne ses ordres. Il fait tirer aux canons Armstrong flambant neufs importés, par l’intermédiaire des Mac Lean, de Gibraltar.

A propos de Farid Bahri

tanger-experience - le web magazine de Tanger - Moulay Hassan 1er par Farid BahriHistorien, spécialiste du Maroc, Farid Bahri est enseignant en histoire en Belgique.
Titulaire d’un DEA d’études anglophones de l’Université de Tours (France) et d’un master en Histoire contemporaine de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), il s’intéresse en particulier à l’histoire du Maroc. Il a publié chez d’autres éditeurs :

– Destin nu, poèmes de la tangérinité, éditions Slaiki Akhawayne, Tanger, 2018

– 1830-1912, l’Empire à l’agonie ; le Maroc au gré de l’Europe, éditions La Croisée des Chemins, Casablanca, 2023, à paraître

– Le Sultan Moulay Hassan, une politique au défi de l’Occident, éditions Afrique Orient, Casablanca, 2023, à paraître

Il collabore également à des revues littéraires et historiques telles que Qantara, Din wa Dunia, Tel Quel ou Zamane.

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