« Dernier Acte ? » la réalité augmentée du souvenir par Geneviève Gleize

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Exposition « Dernier Acte ? » de la photographe Geneviève Gleize à la Galerie Conil du 1er octobre au 1er novembre 2016. Elle a présenté son travail en avant première les 23 et 24 septembre chez Toni et Khera Ortis, une belle expo dans un lieu magnifique. Un voyage très contemporain dans la passé brillant et fantomatique du Théâtre Cervantes.

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Pour Geneviève photographier, pour l’essentiel, c’est capter le présent, le figer, pour le restituer ensuite tel quel. Les événements, les gens, les lieux s’impriment sur les clichés, inanimés mais fidèles au temps T où ils ont été saisis.
En explorant les univers abandonnés, j’essaie d’aller plus loin en repoussant le curseur du temps en amont de l’instant capturé. Comme le peintre du film de Marcel Carné, « Quai des brumes » qui disait : « je peins les choses cachées derrière les choses… », je photographie les vies disparues derrière les traces, la poussière, les ombres éphémères. L’absence est mon sujet…
J’observe et, sans mise en scène, je photographie les lieux désaffectés. Le cliché devient alors un révélateur des vies, des activités évanouies dans la marche du temps. Les détails ainsi saisis ne sont plus des réalités ordinaires mais deviennent des éclats du passé, le murmure des voix qui se sont tues ; dans cet espace fragile non délimité, l’imaginaire de chacun peut y trouver ses propres références.
Le tirage des photographies sur un support industriel fait un écho à ce passé.
Les nouvelles technologies d’impression me permettent de détourner des matériaux industriels (aluminium, toiles de spi, …) de leur fonction première. Leurs spécificités physiques font partie de l’œuvre.

Les fantômes de Tanger.

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En 1976 ou 77, voilà quarante ans, il m’est arrivé d’accompagner dans le  « Teatro Cervantès » de Tanger une compagnie théâtrale alors installée en Languedoc-Roussillon et portant le joli nom de Tréteaux du Midi. J’en étais l’administrateur et, si piètre comédien que je fusse, je tenais le rôle de Nérine dans une mise en scène d’un comique accompli des Fourberies de Scapin signée Jacques Échantillon. Nous étions missionnés par notre ministère des Affaires Étrangères pour une tournée au Maroc qui nous conduisit de Rabat à Meknès, de Fès à Casablanca, d’Oujda à Tanger. Souvenir d’autant plus merveilleux que nous étions jeunes, ardents, pas sérieux, et que nous sommes tombés amoureux d’un pays où nous avons travaillé près de deux mois, car il fallait monter et démonter le décor, voyager d’une ville à l’autre, participer à des rencontres… C’était l’époque où une certaine Association Française d’Action Artistique était chargée du développement des amitiés entre les peuples à travers (entre autres) le théâtre. Ce n’est plus si fréquent aujourd’hui mais je n’évoque pas ce souvenir personnel pour m’apitoyer sur des temps révolus, ni meilleurs ni pires que les nôtres… Il se trouve que l’album photos de Geneviève Gleize sur le théâtre de Tanger a fait remonter en moi un souvenir refoulé depuis des décennies en raison du nombre d’absences qu’il porte douloureusement en lui. Le plus grand talent de Jacques Échantillon (exceptionnel Géronte acrobate et risque tout) était sans doute d’avoir réuni une compagnie poétique, comme on l’a dit de celle de Jean Vilar, d’Avignon et du TNP, mais une compagnie d’hommes et de femmes que le temps a décimée… La vie sépare ceux qui s’aiment, dit la chanson, et nous éparpille à tous vents, quand soudain ils reviennent, ils reviennent dans leur présence magnifique, drôle, amicale, tendre, furtive, à travers des photos incroyables de suggestion, de rêverie, de mouvement immobile. Geneviève Gleize ne fait pas parler ses ombres, elle les écoute et chacun, comme je l’ai expérimenté moi-même, s’il se laisse glisser dans les interstices du flou ou du « piqué », laisse passage à ces moments de vie sur lesquels on a choisi de poser un mouchoir.

fin-de-partie_g-gleize1D’après Paul Valéry, qu’il faut toujours citer quand on veut paraître sérieux, « la mort nous parle d’une voix profonde pour ne rien dire », et vraiment ces photos ne disent rien qu’elles ne voient ou croient voir… Mais ces fauteuils qui nous tendent leurs bras, ces irisations indéfinies, ce promenoir vide où l’on imagine un peuple fellinien, ces lambeaux de toiles peintes, cet escalier dérobé montant vers quel ciel ?, ce balcon de masques dignes d’un Macbeth infernal, ce couple enfin, découpé sur fond de néant, qui semble les Parques filant nos destins, tordues dans le tourment de leur propre obligation, ne sont-ils pas l’expression de la tragédie du fugitif, de l’insaisissable, de l’irréalité à travers la réalité elle-même ? Une autre phrase d’un autre grand poète me revient comme à chaque fois que je m’émeus d’un surgissement d’émotion, elle est de Chateaubriand : « Rompre avec les choses de ce monde, ce n’est rien, mais avec les souvenirs… Le cœur se brise à cet adieu tant il est peu de choses réelles dans l’homme ». Geneviève Gleize nous offre ce trouble. Grâce à elle, nous accédons à une réalité augmentée.

Jacques Téphany

A propos de Geneviève Gleize

Geneviève Gleize est originaire d’Avignon où elle passe son enfance et ses études. Son mari, d’Avignon également rejoindra Epinal pour jouer dans l’équipe de Hockey. Elle le suit et fait l’école des Beaux Arts dans la capital des Vosges où elle obtient un Diplôme de graphiste. En 1984, retour de la famille à Avignon où elle va créer son atelier d’arts graphiques tout en poursuivant en parallèle un travail photographique. Elle réalisera pendant 25 ans les affiches de « Avignon Film Festival » dirigé par Jerry Rudes qui lui fera découvrir New York et ses premières rencontres avec les univers « abandonnés », les friches, les lieux en perdition… En 2011, premier grand travail photo sur une ancienne usine de canettes alu à New York et montage de l’expo « 50 Dey Street » qu’elle présentera au Canada et en France. Elle enchainera ensuite une série d’expo: « Abattre les murs », « Sorties d’usines », « The Carosserie », « Pièces détachées »… Grâce à ses amis Ortiz qui l’accueille en résidence d’artiste à Tanger, elle fera la découverte d’un nouveau lieu improbable, magique, vibratoire et à l’abandon le Théatre Cervantes, qui sera le thème de « Dernier Acte ? » qu’elle présentera à Tanger à la Galerie Conil.

Vernissage le samedi 01 octobre à partir de 16h à la galerie.

Galerie Conil
7, rue du Palmier
Petit Socco – Tanger
+212 6 28684981/ 5 39 37 20 54

 

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