Le héros, jeune marocain de Tanger aspire à la liberté dans une société contrainte, où face à un régime autoritaire, la seule alternative possible est représentée par l’islamisme à moins que le « printemps arabe » qui pointe ouvre des perspectives.
La route sera longue, difficile et les religieux veillent et s’organisent tandis que le gouvernement royal sait naviguer pour ne garder que l’essentiel.
Avide de lecture, plutôt des polars mais ce sont avant tout des livres, il se cherche et essaye de se construire seul ou sous la férule d’un « guide », les deux prétendants font le commerce des livres… L’un, vieux et érudit lit et vend tout livre, l’autre s’adonne au prosélytisme religieux et à l’action.
Aujourd’hui il doit choisir, d’autant plus que, surpris dans une relation interdite avec sa cousine, il est frappé durement par son père et quitte le foyer familial pour aller d’errances en errances.
Il est comme un chiot : « …je comprends surtout l’absence du maître, qui fait que nous errons tous à sa recherche dans le noir en nous reniflant les uns les autres, perdus, sans but. »
Evidemment, il lui reste le rêve de partir, de s’exiler vers l’Europe pour accéder au Paradis ?
Dans son périple, il fait beaucoup d’expériences, certaines douloureuses, d’autres plus douces mais plutôt éphémères celle ci.
En Espagne, il trouve un champ de bataille avec « l’insurrection des indignés », le refus massif de l’austérité, les manifestations réprimées, l’espoir d’une jeunesse.
Il assiste à ces mouvements, y participe certes mais il poursuit surtout sa quête difficile vers le bonheur avec comme compagnon, l’amour de l’écrit.
Les démons que l’on croit partis peuvent un jour nous rejoindre, nous tenter ou nous dégoûter à tout jamais.
C’est ainsi qu’il retrouve son copain d’adolescence et son ancien maître dans la rue des voleurs de Barcelone.
Que préparent-ils ?
Vont-ils perpétuer les méfaits criminels d’hier ?
Ce roman, au style vif plonge le lecteur dans cette société en crise , où une partie de la jeunesse populaire, première victime du libéralisme se trouve face à deux chemins : la débrouille et le « vol » ou l’enfermement dans l’intégrisme et ses dangers mortels.
L’auteur montre en filigrane l’importance que revêt l’éducation et l’accompagnement des adolescents et jeunes adultes pour qu’ils ne sombrent pas sur des voies dangereuses.
Jean-François Chalot
« Rue des voleurs »
roman de Mathias Enard
Editions Acte Sud
août 2012
250 pages
21,50 €
A propos de Mathias ENARD
Né en 1972, Mathias Énard a étudié le persan et l’arabe et fait de longs séjours au Moyen-Orient. Il vit à Barcelone. Il est l’auteur de cinq romans chez Actes Sud : La perfection du tir (2003, prix des Cinq Continents de la francophonie ; Babel n° 903), Remonter l’Orénoque (2005), Zone (2008, prix Décembre, prix du Livre Inter ; Babel n° 1020), Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (2010, prix Goncourt des Lycéens, prix du Livre en Poitou-Charentes 2011) et Rue des Voleurs (2012).
Ainsi que Bréviaire des artificiers (Verticales, 2007) et L’alcool et la nostalgie (Inculte, 2011 ; Babel n° 1111).
J’ai lu ce bouquin c’est absolument fantastique et l’atmosphère de Tanger est envoutante. Il a failli avoir le Goncourt. Bravo pour vos articles.
Hervé
J’ai lu ce bouquin c’est absolument fantastique et l’atmosphère de Tanger est envoutante. Il a failli avoir le Goncourt. Bravo pour vos articles.
Hervé