L’inquiétude reste importante au Maroc après le séisme qui a frappé le Haut Atlas et la région de Marrakech dans la nuit de vendredi à samedi. Il y a les villages dévastés, les conséquences humanitaires de ces dégâts et le risque de voir des répliques se produire. La terre a-t-elle à nouveau tremblé depuis 48 heures ? Le peut-elle encore ? Avec le recul de 48 heures, que sait-on par ailleurs du séisme lui-même ? Pour en parler, nous interview du sismologue marocain Abdelilah Tahayt, professeur à l’université de Tanger.
RFI : Abdelilah Tahayt, observe-t-on des répliques depuis le séisme qui a eu lieu dans la nuit du 8 au 9 septembre 2023 ?
Abdelilah Tahayt : Oui, jusqu’à maintenant, on a eu une dizaine de répliques. Il faut noter qu’elles sont moins fréquentes que dans certains cas, par exemple le séisme de la Turquie [du 6 février 2023, NDLR]. De ce que j’ai vu sur la carte publiée par les centres de sismologie, on a des répliques à côté de Marrakech, des répliques au sud.
Et ces répliques peuvent durer encore combien de temps ?
Ça va de quelques semaines à quelques mois. Là, on ne peut pas dire.
Quelle est la violence des répliques qu’on a constatée depuis le séisme ? Est-ce que ce sont des répliques très violentes ou à peine sensibles ?
À peine sensibles : dans la région de Marrakech, ils ont ressenti deux ou trois répliques. Mais en général, ce sont de petites magnitudes inférieures à cinq.
On voit bien que tous les regards se tournent vers les villages du Haut Atlas dans lesquels les destructions ont dû être terribles, que pouvez-vous nous dire de la façon dont cette zone est peuplée et du type d’habitat qu’on y trouve ?
Le type d’habitat, c’est le plus souvent archaïque, simple, avec des murs en terre et de roche, et des toits avec de la paille. C’est quelque chose qui est fragile, donc ça peut s’écrouler facilement, ce qui a fait le drame dans le Haut Atlas. Pour l’avenir de la région, on peut garder ce type de construction, mais il faut penser à ce qu’il soit consolidé et soumis aux normes parasismiques. Au Maroc, c’est un grand chantier actuellement, celui de généraliser la construction parasismique dans tous les coins du Royaume.
Est-ce que le Maroc, de ce qu’on sait de son histoire sismique, a déjà connu des secousses d’une telle violence ? On parle d’une magnitude de 6,8 sur l’échelle de Richter.
Dans l’histoire du Maroc, on n’a pas enregistré cette magnitude-là. C’est vrai que la chaine des Atlas est encore active, il y a encore de l’activité tectonique mais on ne s’attendait pas à une telle magnitude.
Et vous êtes surpris que cette zone-là ait été touchée par le séisme ?
On mesure la déformation en utilisant le GPS qui permet de calculer les vitesses de déplacement sur plusieurs points répartis sur tout le Maroc. Là, les mouvements qu’on a, c’est surtout au nord. Au sud, notamment l’Atlas, on a du mouvement qui tend vers zéro. Ce qu’on ne peut pas mesurer, c’est l’énergie qui s’accumule. Nous, on mesure la déformation en surface.
Le séisme, semble-t-il, ne s’est pas produit très profondément, on parle d’une profondeur de dix, quinze, vingt kilomètres. Est-ce que ce manque de profondeur a un effet sur le niveau de violence des secousses ?
Oui, moins le séisme est profond, plus on en ressent la violence, parce que lorsque le séisme est proche de la surface, on va subir un effet direct du séisme.
De manière très concrète, qu’est-ce qui, dans le fonctionnement de la planète, fait que ce jour-là, à cet endroit-là, ce séisme s’est produit ?
Le globe terrestre est constitué de ce qu’on appelle la croûte. La croûte est constituée de plusieurs plaques, 7 – 8 plaques. Ces plaques-là sont en mouvement, en continu. Entre le Maroc et l’Espagne, on a ce qu’on appelle une zone de collision entre la plaque africaine et la plaque eurasienne. Ces deux plaques sont en collision, donc elles sont en convergence, ce qui permet la formation de chaînes de montagne, notamment au Maroc on a le Rif et l’Atlas. Donc les séismes sont répartis sur les limites des plaques.
Par Laurent Correau de RFI