Vous l’avez peut être déjà aperçue sur le boulevard Pasteur, sur la Corniche, au Grand Socco, à la Cinémathèque ou au restaurant Darna. Moi je l’ai rencontré devant le cinéma Rif. Comme je n’avais pas de rose à acheter et je lui ai donné 10 Dh et je lui ai laissé la rose! Je lui ai proposé de parler d’elle dans tanger-experience, elle a accepté…

Nilifer est turque, d’Adana, là où il y a eu le terrible massacre des chrétiens en avril 1909… Ses parents sont Syrien et Egyptien d’origines. Elle a quitté son pays natal à l’âge de 12 ans en tant que réfugiée politique avec ses parents qui s’installent à Constance en Allemagne. Elle s’est mariée à 17 ans avec un compatriote dont elle aura trois enfants qui vivent aujourd’hui en Turquie et en Autriche, une famille éclatée dit-elle.

Se retrouvant seule, son parcours est riche de mouvements à travers le monde… Allemagne, Angleterre, Espagne, Portugal, France… De formation sténo-dactylo, elle enchaine les petits boulots, caissière chez Mac Do, vendeuse chez Woolworth, secrétaire et aujourd’hui vendeuse de roses à Tanger… Elle est polyglotte Nilifer: turc, anglais, espagnol, arabe et français qu’elle parle parfaitement.

Une femme très digne avec un grand sourire qui égaie son visage typé et expressif coiffé d’une chevelure grisonnante et bouclée. Elle est élégante et sympathique. Il émane d’elle de la générosité et de la gentillesse. Tout cela donne envie de lui acheter des fleurs.
Tout le contraire de ces marchands de roses qui hantent les terrasses de restaurants pour vous proposer un signe d’affection à la fille qui vous accompagne et à qui on a envie de répondre la terrible réplique d’Alain Chabat dans « Gazon Maudit »…

Nilifer est arrivée au Maroc début 2012. Elle a enchainé Casablanca, Rabat, Marrakech où elle pensait travailler dans le tourisme avec le bagage de ces 5 langues, mais en vain. Quand on n’a pas de papier c’est difficile de travailler. En réaction à son exil politique, elle a brûlé son passeport Turque ! Nilifer est une rebelle… Depuis 10 mois, elle vit à Tanger où elle se sent bien.

Les enfants qui vendent des fleurs sur la plage de Tanger lui donne l’idée d’en vendre à son tour. « Vendre des roses c’est quelque chose de beau… » dit-elle. « Les gens sont gentils surtout les marocains, les européens un peu plus distants… Il y a beaucoup de gens généreux qui me donnent de l’argent et qui me laissent la rose, j’en suis émue…  » 5 ou 10 DH la rose, elle les paie 2 DH ! Imaginez le nombre de roses qu’elle doit vendre pour subsister…

En plus des roses, elle vend des mouchoirs en papier et des sacs qu’elle coud elle même à la main avec des chutes de tissus qu’elle glane ici et là ou qu’on lui donne. « Je fais tout ça pour survivre dignement, me payer ma pension et manger, un peu… »

Si vous croisez Nilifer à Tanger (Nénuphar en Turc…) achetez lui un bouquet de roses… Car son parcours is not a « Bed of Roses »!

Paul Brichet